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Mexico 2006: Discours d'ouverture de Loïc Fauchon


article Mar 2006 ; 6 pages
Aut. Loïc Fauchon
Ed. CME - Marseille
Téléchargeable sous format: PdF (80 ko)
Téléchargeable chez l'éditeur
Article:
IVème FORUM MONDIAL DE L'EAU
MEXICO
16 – 22 MARS 2006

CEREMONIE D'OUVERTURE

INTERVENTION DE M. Loïc FAUCHON
Président du Conseil Mondial de l'Eau


M. le Président, Altesses, M. le 1er Ministre, MM. les Ministres, Mesdames et Messieurs,

Merci au Mexique, merci à son peuple, merci à vous cher Cristobal Jaime Jaquez et à Conagua, merci à vous Président Vicente Fox et à votre gouvernement, d'accueillir ce IVème Forum Mondial de l'Eau.
Nous sommes tous très sensibles à l'hospitalité du peuple mexicain et à l'accueil particulièrement chaleureux qui nous est fait depuis quelques jours.
Au nom du Conseil Mondial de l'Eau, co-organisateur de ce Forum, permettez moi d'adresser mon salut amical aux onze mille participants inscrits à ce Forum et de dire aussi ma gratitude à toutes les équipes, ici à Mexico, à Marseille au siège du Conseil et partout dans le monde, qui ont contribué depuis 2 ans et demi à préparer ce IVème Forum.

Mesdames et messieurs, chers amis,

Savoir, comme nous le faisons aujourd'hui, rassembler les hommes et les femmes est parfois un devoir impérieux. Surtout quand il s'agit de l'avenir de l'humanité. La nôtre, celle de nos enfants et des enfants de nos enfants.
L'eau qui nous rassemble ici est un sujet majeur de préoccupation, un sujet d'inquiétude, parfois même un sujet de discorde.
L'eau est en danger et avec elle nous le sommes aussi.
Car la situation faite à l'eau dans le monde est inacceptable.
Inacceptable l'absence d'eau ou l'eau de mauvaise qualité, qui a fait l'an passé dix fois plus de morts que toutes les guerres réunies sur la planète.
Inacceptables les centaines de millions de femmes et d'enfants qui, chaque matin marchent de longues heures en quête d'une eau trop rare, lointaine ou impure.

Qui peut se résigner à accepter cela ? Il y a certes beaucoup d'eau sur notre terre. Parfois trop, on le sait. Mais année après année, les ressources par habitant sont en constante diminution. Et ils sont encore nombreux, de par le monde, ceux qui ont à peine une vingtaine de litres par jour à consacrer à l'alimentation et à l'hygiène.

Les responsables ? Nous les connaissons. La démographie non maîtrisée et ses méga-citées tentaculaires et incontrôlables. Là plus qu'ailleurs l'entassement des populations, la pénurie d'eau, l'absence d'assainissement, favorisent la malnutrition, la maladie, l'ignorance, la pauvreté, les inégalités de toutes sortes.
Responsables aussi les pollutions croissantes, la déforestation, la dégradation des sols, leur salinisation. Tous menacent l'équilibre et parfois même la survie des écosystèmes terrestres, fluviaux et marins.
Coupables enfin ces évolutions du climat que nous tardons à comprendre. Elles renforcent les extrêmes avec ici des précipitations accrues et là des sécheresses prolongées.
Tout cela dévaste, tout cela ruine, tout cela oblige à des efforts coûteux pour se prémunir des débordements de la nature. Aucun pays n'échappe plus à ces excès et à ses dérèglements que l'homme par inconstance et par imprévoyance s'est lui-même ingénié à provoquer.

Nous ici, mesdames et messieurs, tous ici, et beaucoup d'autres encore dans le monde, nous ne voulons qu'une chose : que l'homme redevienne l'ami de l'eau. La tâche est immense, me direz-vous.
Sans doute, mais elle est nécessaire. Il faut du temps me direz-vous. Sans doute, alors pressons le pas, accélérons l'allure. Car ce n'est plus à cet instant de priorité qu'il faut parler, mais d'urgence, d'extrême urgence. Alors laissez moi vous dire ces urgences. Et ces urgences nous voulons les dire et les crier.
D'abord oui redonnons à l'eau sa place essentielle dans notre culture, car l'eau est l'un des fondements du patrimoine de l'humanité et cela demande et mérite vigilance et respect. Pour cela cessons enfin de vouloir régler l'accès à l'eau pour tous, à coup de raisonnements macroéconomiques théoriques, à coup de modèles mathématiques abstraits, à coup de plans de restructuration inhumains. Certes l'eau exige de l'intelligence et de la raison, mais elle demande avant tout du cœur et de la solidarité.

Oui affirmons sans ambiguïté que le droit à l'eau est un élément indispensable à la dignité humaine. Inscrivons ce droit à l'eau, dans les constitutions des Etats, inscrivons ce droit à l'eau aux frontons de chacun de nos palais nationaux et municipaux, écrivons ce droit sur les cahiers de nos enfants dans chaque école, où se fait l'apprentissage de la citoyenneté.

Oui, apportons aux plus démunis des pays riches une garantie d'allocation minimum, une dotation quotidienne suffisante pour satisfaire les besoins essentiels.

Et pour les autres, pour tous les autres, les plus pauvres, les plus faibles, les « damnés de la terre », apportons de l'argent. Beaucoup plus d'argent. Aujourd'hui cinq pour cent de l'aide publique va à l'eau, c'est une aumône. Aujourd'hui cinq pour cent du montant des investissements sont consacrés à l'eau, c'est une erreur économique majeure.

Les fusils et les canons de par le monde il n'y en a que trop, mais des robinets il n'y en aura jamais assez.
Oui, mesdames et messieurs, au risque parfois de déplaire, il faut le dire avec force, le téléphone portable, que nous ne quittons plus, c'est bien, mais l'eau potable c'est mieux.

Oui, finançons les infrastructures des cinquante pays les plus démunis et des vingt mégapoles les plus pauvres par une politique de don plus importante, mais infiniment mieux contrôlée. Et cassons la spirale « prêt – endettement – annulation de la dette », au bénéfice de tarifications intelligentes, équilibrées et socialement solidaires.

Oui décidons, soyons concrets et imposons. Imposons qu'une part importante des programmes de création d'infrastructures soit consacrée au fonctionnement et à l'entretien des réseaux, des barrages, des stations. Pour cela sachons former plus d'hommes et de femmes préparés à ces tâches quotidiennes.
Dans ce cadre le Conseil Mondial de l'Eau est prêt, avec la communauté internationale, à appuyer immédiatement la création d'écoles régionales de la maintenance. Car le monde a besoin annuellement de dizaines de milliers de techniciens et de gestionnaires capables de faire fonctionner les services publics de l'irrigation, de distribution d'eau ou de l'assainissement.

Oui, exigeons une plus juste répartition du progrès. De tous les progrès. Et notamment ceux de la technologie aujourd'hui réservée à un trop petit nombre.
Le dessalement et le traitement des eaux saumâtres, les pompages dans les nappes profondes, les transferts d'eau sur de plus grandes distances, et jusqu'aux réflexions sur l'eau virtuelle, tout ce qu'apporte le génie de l'homme est à partager.

Parce que des programmes de recherche – développement, il en faut sans doute à Berkeley, à Amsterdam, à Osaka, mais il en faut aussi et beaucoup plus à Bamako, à Bucarest, à Quito.
Oui, assurons l'obligation démocratique pour que gestion rime avec décentralisation. La bonne gestion de l'eau demande autorité, légitimité, honnêteté. La bonne gestion de l'eau exige une autorité publique qui conserve en toutes circonstances le pouvoir de fixer les tarifs et de déterminer les investissements. Et seule cette collectivité locale peut alors s'entourer de gestionnaires publics ou privés, mais compétents.
Enfin oui sécurisons. Les pénuries sont plus fréquentes, les catastrophes naturelles sont plus nombreuses. Il y a là un devoir de salut public. Mutualisons nos expériences, mutualisons nos capacités de prévention, de secours et de reconstruction pour soulager les populations et pour faire du management du risque une réalité nouvelle de ce siècle.
Tout cela, le droit, l'argent, la connaissance, les institutions, la prévention des risques, constituent les étapes sur la route de l'accès à l'eau.
Nous avons à nous battre pour atteindre le but, nous avons à mener une bataille longue et difficile. Rassurez-vous, cette bataille là ne mène pas à la guerre. Au contraire, c'est une bataille pour bâtir la paix, c'est une bataille pour accentuer les solidarités, une bataille pour fortifier les coopérations. Et pour permettre année après année à des milliards d'hommes et de femmes de vivre là où ils sont nés, là où ils ont grandi. Sachons bien qu'à défaut de pouvoir disposer de l'eau, de l'électricité, de la santé, de l'éducation, ces hommes et ces femmes continueront à monter sur de frêles embarcations pour franchir les détroits, ces hommes et ces femmes continueront à traverser les déserts sur d'improbables camions, pour venir buter sur les clôtures et sur les murs, que les plus riches érigent en toute hâte et en toute honte.
Oui, définitivement, nous voulons des murs d'eaux plutôt que des murs d'indifférence et de mépris.
Oui définitivement, nous voulons qu'à l'avenir, hommes, femmes, enfants de toutes conditions et de tous continents naissent à jamais égaux en droit face à l'accès à l'eau.
Laissons au bord du chemin les vaines querelles, les polémiques stériles et les débats d'un autre temps. Sachons entendre les plaintes de ces enfants qui ont soif et qui pleurent. Sachons écouter les murmures de ces mères anéanties par la fatigue et l'humiliation.

L'eau, mesdames et messieurs, mérite un rassemblement des capacités et des intelligences. Elle vaut que les mains se tendent, elle vaut que les cœurs se rapprochent, elle vaut que les esprits s'accordent.
Ce IVème Forum est l'occasion d'un débat ouvert, d'un dialogue respectueux pour conforter l'idée qu'il n'y a pas de développement sans eau. Le Conseil Mondial de l'Eau y est prêt.
Rassemblons nous pour avancer. Rassemblés, nous serons respectés. Respectés nous serons écoutés.

A vous tous, laissez moi souhaiter un beau et paisible Forum, un Forum de la tolérance et de la solidarité. Et que, grâce à votre contribution, grâce à votre détermination, ce forum, j'en suis sûr, permette à l'eau de couler longtemps, encore et toujours, dans le sens de la paix et de la prospérité.
Vive le Mexique, vive la cause de l'eau.
Merci à tous et bon Forum.

Loïc FAUCHON
Président du Conseil Mondial de l'Eau

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