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Au Laos, disposer d'un robinet dans sa maison reste un luxe



article de presse Mar 2012 ; 2 pages
Aut. Martine Valo
Ed. Le Monde - Paris
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Téléchargeable chez l'éditeur
Article:
Devant le Musée de la sécurité du peuple à Vientiane, à l'heure de la sortie de l'école, des mobylettes qui transportent jusqu'à quatre enfants en plus du conducteur se faufilent entre voitures, vélos et scooters. Le Laos est à l'image des rues de sa capitale : avec ses 7 millions d'habitants, il est le pays le plus pauvre d'Asie du Sud-Est, mais il se développe en accéléré, comme ses voisins. Les villes grandissent trop vite et les infrastructures ne suivent pas.

Des quartiers entiers de Vientiane (750 000 habitants) ne sont pas desservis en eau potable. La République démocratique populaire du Laos s'est fixé pour objectif d'alimenter en eau potable 80 % de la population d'ici à 2020. Et a opté pour un cocktail qui mélange une dose d'investissement privé soutenu par l'aide internationale. "La précarité du pays l'oblige à valider tout ce qui se présente, tout ce que les bailleurs de fonds acceptent de financer surtout, analyse Jacques Cavard, directeur général des services techniques du Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif), venu visiter en expert. Du coup les Laotiens ont toutes sortes d'équipements, impossibles à raccorder parfois..." A Vientiane, le Sedif apporte son soutien dans la gestion et cofinance des travaux d'infrastructures avec l'Agence française de développement (AFD).

On retrouve les mêmes soutiens plus quelques autres, à Thabok, 4 500 habitants, à 90 kilomètres de là. C'est le jour de l'inauguration du mini réseau d'eau potable qui alimente environ 860 familles. La cérémonie allie rituels du parti unique, pratiques chamaniques et repas champêtre. Thabok est au coeur d'un district en expansion. Il s'agit de l'équiper d'un réseau d'eau potable, pas d'un simple puits. L'installation reste modeste : deux forages, un château d'eau de 50 mètres de haut, un réservoir au sol où est ajouté du chlore. Ce traitement suffit car l'eau s'est révélée de bonne qualité dans cette région.

La majorité des habitants continuent de se débrouiller entre achat à des prix élevés de bidons de 200 litres, lessive dans la rivière et réserves d'eau de pluie et puits. Kunkan fait partie des premiers abonnés au mini réseau. Epouse de militaire, elle dispose depuis quatre mois de deux robinets : un devant la maison, un autre dans les toilettes à l'arrière. C'est deux de plus que les standards habituels de Thabok. Un luxe. Kunkan en est friande. Comme on s'étonne de l'importance de sa consommation, elle rétorque en riant qu'elle se lave quatre fois par jour. Ses quelques poules et canards profitent de l'eau potable aussi. Sa famille de quatre personnes paie près de 45 000 kips par mois (environ 4 euros).

Expertise et formation

De l'autre côté de la rivière, la discrète Mme Voy se dit satisfaite. Son foyer de trois personnes n'a pas eu à payer les 50 dollars du raccordement financé par les pouvoirs publics mais s'acquitte d'une facture mensuelle de moins de 80 centimes d'euros par mois. Avant, il lui fallait aller chercher l'eau au puits communautaire, deux seaux au bout d'une perche sur l'épaule, puis la faire bouillir. A présent, elle peut consacrer plus de temps à son travail dans les rizières.

Le Groupement de recherches et d'échanges technologiques (GRET) est la cheville ouvrière de cette amélioration du confort de vie des habitants. L'association a sept autres mini réseaux à son actif au Laos, soit 26 000 personnes desservies. "Nous avons beaucoup donné dans le développement rural, nous le laissons à d'autres désormais, résume Martine Leménager, ingénieur du GRET. Le monde change, or personne ne s'occupe de ces "zones grises" qui ne sont plus des villages et pas encore des villes." Une fois trouvés les fonds privés pour le gros oeuvre, le GRET apporte son expertise pour établir des contrats solides et former des techniciens. A Thabok, l'investisseur principal est un entrepreneur, Xaykham Phongsavat : "Avec l'eau potable, le profit est maigre, témoigne-t-il. Le retour sur investissement est très long. Je le fais pour ce village, j'y suis né."

A Hin Heup, dans un district plus montagnard, Arnaud Vomtobel, un autre ingénieur du GRET, rend visite à un jeune couple d'employés formés par les soins de l'association, dans leur grande et unique pièce, logement-siège du mini réseau. Lui est un ancien chauffeur. Neveu de l'investisseur local, il est chargé de surveiller l'installation, tandis que son épouse s'escrime sur son ordinateur, sur lequel elle voudrait imprimer les redevances.

Le GRET et ses bailleurs de fonds nourrissent pour ce district, dont les paysages pourraient attirer des touristes, l'ambition de développer un système d'assainissement. Une petite station d'épuration a été creusée en contrebas du village. Malgré le panneau d'interdiction, les gens du marché y jettent leurs vieux sacs en plastique par-dessus le grillage. Même à Vientiane, les égouts sont à ciel ouvert.
Martine Valo

Des collectivités locales françaises plutôt généreuses

Les collectivités locales françaises sont nombreuses à faire preuve de solidarité internationale, au point que la loi "Oudin-Santini" de 2005 encadre et officialise cette générosité. Ce texte les autorise, ainsi que les agences de l'eau, à consacrer jusqu'à 1 % des recettes de leurs services d'eau et d'assainissement à l'aide aux pays en développement. En 2010, elles ont financé 24 millions d'euros de projets humanitaires liés à l'eau (contre 15 millions en 2007), soit une contribution moyenne de 0,40 euro par habitant.

Le Grand Lyon, Paris, Nantes métropole, le Grand Nancy et Bordeaux se classent dans le peloton de tête.

Le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) est le plus gros donateur. "En 1986, nous avons commencé par instituer le centime par mètre cube d'eau, rapporte Christian Cambon, sénateur (UMP) du Val-de-Marne. A présent, nous en sommes à un euro par famille et par an."

Mots clefs:

accès à l'eau (CI) (DT) (OP) , coopération décentralisée (CI) (DT) (OP)

Pays concerné:

Laos (CI) (DT) (OP)

Editeur/Diffuseur:

Le Monde - Paris
    

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