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A Istanbul, le Forum mondial de l'eau s'empare de la question, encore taboue, de la corruption



article de presse Mar 2009 ; 2 pages
Aut. Gaëlle Dupont
Ed. Le Monde - Paris
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Article:
La corruption qui gangrène le secteur de l'eau est l'un des principaux freins à l'accès à l'eau et à l'assainissement dans le monde. La question est longtemps restée taboue. "On en parlait dans les couloirs, pas dans les instances officielles", témoigne Hakan Tropp, président du Réseau pour l'intégrité dans l'eau, une coalition d'acteurs de tous horizons engagés dans la lutte contre le phénomène.

Pour la première fois, une session officielle du Forum mondial de l'eau a été consacrée à cette question, à l'occasion de la 5e édition de l'événement, qui se tient à Istanbul jusqu'au 22 mars. La corruption "siphonnerait" quelque 30 % des budgets publics consacrés à l'eau dans les pays en voie de développement. Ceux-ci ne sont pas les seuls concernés, mais les conséquences sont particulièrement graves pour eux. Quelque 5 000 enfants meurent chaque jour de maladies hydriques, faute d'infrastructures d'approvisionnement et d'évacuation des eaux usées.

"Tout le monde s'interroge sur les moyens d'augmenter les investissements dans ce secteur, qui sont très insuffisants, mais récupérer l'argent détourné serait déjà un grand progrès", affirme M. Tropp. L'eau n'est pas le seul secteur touché, mais il est spécialement sujet aux détournements, les intervenants étant nombreux.

La "grande" corruption est la plus connue : des pots-de-vin sont versés à des responsables politiques contre l'obtention de gros marchés d'infrastructures, dont l'utilité est sujette à caution. Elle s'exerce aussi dans les structures administratives et les collectivités locales chargées de la gestion de l'eau : chaque échelon détourne une partie des fonds.

La "petite" corruption est également très répandue. "On paie pour obtenir un raccordement, la réparation d'une fuite, ou pour que l'employé du service d'eau ne vienne pas relever votre compteur ou oublie d'envoyer votre facture", détaille Donal O'Leary, de l'association Transparency International.

POLLUTION INDUSTRIELLE
Ces pratiques font obstacle à l'accès à l'eau : "Comme beaucoup ne paient pas leurs factures et que les branchements illégaux prolifèrent, les services d'eau n'ont pas les moyens d'entretenir et de développer les réseaux." Ce sont les populations les plus pauvres, non raccordées, qui en souffrent. Elles doivent s'approvisionner auprès de vendeurs d'eau, à des prix très élevés.

La corruption entraîne aussi la détérioration du milieu naturel : des dessous de table sont versés pour "couvrir" une pollution industrielle, pomper sans contrôle dans un fleuve ou une nappe.

"Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable : personne ne peut dire qu'il n'a jamais connu cela et ne le connaîtra jamais, affirme Antoine Frérot, le PDG de Veolia Eau. Mais les entreprises peuvent mettre en place des procédures pour empêcher la corruption, ou au moins la rendre plus difficile."

Les entreprises privées ne sont pas les seules concernées. "Nous ne pouvons pas espérer de miracle dans les années à venir. Le cercle de la corruption est très difficile à briser, affirme M. Tropp. Un régime corrompu n'a aucun intérêt à remettre en cause le statu quo. C'est à la société civile de le faire."
Gaëlle Dupont

Mots clefs:

intègrité, anti-corruption (CI) (DT) (OP) , pollution de l'eau (CI) (DT) (OP)

Editeur/Diffuseur:

Le Monde - Paris
    

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