Accès aux toilettes : un enjeu mondial | ||||||||
audio Nov 2024 ; Durée: 240 min. Aut. Julie Gacon & Marine Legrand & Gabriel Bortzmeyer & Marie Hélène Zerah & Priyam Tripathy & Catherine Bros & Baptiste Lecuyot & Louis-Nicolas Jandeaux & Alice Corbet & Benjamin Moron-Puech & Julien Damon & Mélanie Chalandon & Camille Salaün Ed. France Culture - Paris Téléchargeable chez l'éditeur Résumé: Aller aux WC dans un espace sûr et propre n'est pas donné à tout le monde. Alors que des centaines de millions de personnes sont contraintes de déféquer en plein air, l'accès aux toilettes est révélateur d'inégalités et pose plusieurs défis urbains et environnementaux. Épisode 1/4 : WC publics : faire sauter le verrou Avec - Julien Damon Sociologue, enseignant à Sciences-Po, HEC et l'École nationale supérieure de sécurité sociale - Benjamin Moron-Puech Professeur de droit à l’université Lumière Lyon 2 et spécialiste en études juridiques de genre Des sans-abris aux travailleurs mobiles, en passant par les touristes et les personnes en situation de handicap, les toilettes publiques s’avèrent essentielles pour nombre d’entre nous. Ces commodités restent pourtant largement sous-investies en Europe, et ce malgré l’urbanisation de nos sociétés, la mobilité croissante des modes de vie et le vieillissement démographique. Si les revendications en faveur d’un “droit aux toilettes pour tous” se multiplient, force est de constater que les inégalités persistent. Les villes sont bien souvent sous-dotées en équipements au regard de leur densité de population et l’objectif de gratuité est loin d’être atteint. Certains lieux se distinguent ainsi par la défaillance de leurs services en la matière, au premier rang desquels se trouvent les gares et les stations de métro. En outre, de tels services perpétuent des inégalités de genre, matérialisées notamment par des files d’attente systématiquement plus longues pour les femmes que pour les hommes. Si leur usage est intime, les problèmes posés par l'accès aux toilettes publiques renvoient ainsi à des enjeux éminemment collectifs, d’égalité de genre, de santé publique et de dignité humaine. Épisode 2/4 : Dans les camps de réfugiés, une urgence sanitaire Nombre de personnes vivant dans des camps de réfugiés rencontrent des difficultés pour accéder à des toilettes de qualité. Les infrastructures, installées dans l'urgence, tendent à se pérenniser et soulèvent de nombreux enjeux, tant sanitaires que sécuritaires. Avec - Alice Corbet Anthropologue, chercheuse au CNRS et à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) - Baptiste Lecuyot Responsable Eau, Assainissement, Hygiène de l’ONG Solidarités International - Louis-Nicolas Jandeaux Responsable humanitaire d'Oxfam France En juin 2024, le monde comptait, selon l’ONU, 123 millions de personnes déplacées de force. Nombre d'entre elles sont contraintes de vivre dans des camps de réfugiés. Ces derniers, construits pour être temporaires et répondre rapidement aux besoins urgents (nourriture, abris, eau, espaces sanitaires), tendent à se pérenniser, parfois durant des dizaines d’années. Dans ces “villes accidentelles”, terrains favorables aux maladies hydriques, la question de l’accès à des espaces sanitaires est cruciale. Si les ONG s’accordent sur le fait que des toilettes sûres et propres sont une priorité, leur installation se heurte à de nombreux obstacles : sols impropres à la création de fosses, manque d’eau, difficulté à pérenniser le système, incompréhensions sociales et culturelles... Les toilettes peuvent se convertir en des lieux dangereux, évités par les femmes et les enfants, peu adaptés aux personnes invalides, âgées, ou même faire l’objet de conflits. Épisode 3/4 : Inde : la promesse de toilettes pour toutes et tous Il y a 10 ans, le programme "Swachh Bharat" de Narendra Modi voulait mettre fin à la pratique de la défécation en plein air en Inde. Si le Premier ministre se félicite d'avoir atteint ses objectifs, et que l'accès aux toilettes s'est effectivement amélioré, des problèmes structurels persistent. Avec - Catherine Bros Professeure d'économie à l'université de Tours et chercheuse au Laboratoire d'économie d'Orléans, spécialiste de l'économie indienne - Marie-Hélène Zerah Directrice de recherche à l'Institut de Recherche pour le Développement, et membre du CESSMA (le Centre d'Etudes en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques) de l'Université Paris-Cité. - Priyam Tripathy Chercheuse indépendante en géographie et en urbanisme La campagne “Swachh Bharat”, initiée en 2014 par le Premier ministre Narendra Modi, avait pour objectif ambitieux d’éliminer la défécation en plein air en Inde. Si les 110 millions de toilettes construites ont permis d'améliorer les conditions de vie de millions d'Indiens et d'Indiennes, notamment dans les zones rurales, le programme a aussi mis en lumière différentes limites. La construction précipitée de toilettes a pu conduire à l'installation d'infrastructures de mauvaise qualité, rapidement abandonnées par leurs usagers, notamment dans les espaces ruraux. Ainsi, en 2019, le Bureau des statistiques nationales affirmait que plus d’un quart des Indiens et Indiennes vivant en milieu rural n’avaient pas accès à des latrines, une donnée qui réfute la victoire sanitaire revendiquée par le Premier ministre. En outre, le nettoyage de ces installations, qui présente des risques mortels, repose encore largement sur des travailleurs manuels issus des castes les plus défavorisées, et déféquer en plein air continue d'exposer les femmes et les filles aux violences sexistes et sexuelles... En conséquence, ces dernières sont contraintes de se retenir toute la journée, ou de ne pas se rendre à l'école. D'autre part, l'initiative Swachh Bharat a parfois utilisé des méthodes coercitives, comme la menace de couper les aides sociales, et s’est heurtée à des croyances culturelles, qui ont pu freiner l’adoption durable des toilettes. Une situation d'autant plus complexe que le pays connait une forte croissante démographique et doit envisager l'avenir en tenant compte des défis posés par le réchauffement climatique. Épisode 4/4 : Tout-à-l’égout : évacuer à tout prix ? Si le tout-à-l'égout permet de mettre à distance urines et excréments, des alternatives à ce système d'évacuation sont parfois développées, pour des raisons écologiques et économiques. Ces innovations requièrent cependant un changement de paradigme culturel... Avec - Marine Legrand Chargée de recherche au laboratoire Eau, Environnement et Système urbain de l'Ecole nationale des ponts et chaussées. - Camille Salaün Doctorante au sein de l'UMR G-EAU et assistante de recherche auprès de la "Chaire Eau pour Tous" AgroParisTech-Suez. - Gabriel Bortzmeyer Critique et professeur de cinéma et de littérature en classe préparatoire. Membre de la revue Débordements et de la revue Les temps qui reste. C’est grâce au “tout-à-l'égout”, ce système d’évacuation souterrain de nos déchets organiques, que nous pouvons mettre à distance nos excréments d'un simple tirage de chasse. Mais ce système gagnerait à être remis en cause : très consommateur en eau et en énergie, il représente également une perte considérable en ressources minérales. Riches en azote et en phosphore, l’urine et les matières fécales pourraient en effet devenir l’or jaune de demain et constituer une alternative crédible aux engrais et fertilisants importés depuis une poignée d’États. Une telle prise de conscience nécessite toutefois un changement de paradigme d’ordre culturel. Elle implique notamment de se confronter, une fois pour toutes, à ce qu'il advient de nos déchets corporels après avoir tiré la chasse. De l’installation de toilettes sèches à la réutilisation de “boues d’épurations”, les innovations en la matière se multiplient dans les pays du Nord. C’est néanmoins sans commune mesure avec la diversité des alternatives proposées dans les villes du Sud, contraintes d'expérimenter face à l’inadaptation du tout-à-l'égout dans certains contextes.
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