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La course à l'or bleu


article de presse Mar 2008
Aut. Marianne Enault
Ed.
JDD - Paris
Téléchargeable chez l'éditeur
Résumé:
Comme chaque année depuis 1992, les Nations unies célèbrent jeudi la Journée mondiale de l'eau. L'occasion de rappeler des chiffres inquiétants. Dans le monde, 1,1 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable. Pauvreté, croissance démographique... les obstacles sont nombreux. Mais les associations constatent surtout un manque de volonté politique.

Choléra, typhoïde, hépatite... les maladies liées au manque d'eau potable tuent chaque jour 22 000 personnes, soit 15 chaque minute. La diarrhée, maladie bénigne en Occident, tue chaque année 1,8 million d'enfants. Au total, selon les chiffres de l'ONU, 1,1 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable, et 2,6 milliards de personnes, dont 980 millions d'enfants, n'ont pas accès aux conditions minimales d'hygiène, notamment en termes d'assainissement.

Des chiffres inquiétants, dévoilés chaque année à l'occasion de la Journée mondiale de l'eau. Une manifestation décrétée par les Nations unies en 1992 qui se tient cette année le 20 mars, et non le 22 mars comme c'était l'usage jusqu'alors. L'année 2008 a par ailleurs été décrétée année internationale de l'assainissement. Cette "crise touche plus d'une personne sur trois dans le monde", note le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon dans un communiqué publié à cette occasion. Et de conclure: "Ce nombre est inacceptable."

D'après les experts, 2,1 milliards de personnes n'auront toujours pas accès aux conditions minimales d'hygiène en 2015. C'est pourtant à cette date que, selon les Objectifs du Millénaire pour le développement décrétés en 2000, on devait parvenir à réduire de moitié la proportion des personnes n'ayant pas accès aux services d'assainissement de base. "Au rythme où vont les choses, note Ban Ki-moon, en Afrique subsaharienne, l'objectif ne sera atteint qu'en 2076". Et de citer les "facteurs qui font obstacle au progrès: la croissance démographique, la pauvreté rampante, l'insuffisance d'investissements et surtout, le manque de volonté politique". Un dernier élément relevé par les associations, ONG et spécialistes de la question.

Un bien politique?

Comme chaque année "la communauté internationale va renouveler ses engagements de tout faire pour apporter des réponses à un scandale mondiale majeur (...) mais sous les discours empreints de compassion affleure une autre vérité qui dérange. Loin de se résumer à l'humanitaire, la question de l'eau est d'abord politique", écrit ainsi Marc Laimé, journaliste et sociologue spécialiste de la question de l'eau, dans Le Monde diplomatique daté du 14 mars.

Pour preuve, l'eau est devenue un véritable enjeu dans les conflits du 21e siècle, confirmant les propos visionnaires du vice-président de la Banque mondiale, Ismaïl Serageldin, en 1995: "Les guerres du 21e siècle auront l'eau pour enjeu." Elle est au moins source de tensions: bassins du Jourdain, du Nil, du Tigre et de l'Euphrate ou encore autour du Lac Victoria, en Afrique. En République démocratique du Congo, elle est devenue un enjeu de contrôle des populations déplacées en raison de la guerre civile.

Réserves inégales et mal gérées

Le problème ne vient toutefois pas de la pénurie d'eau. La ressource est abondante: 40 000 kilomètres cube d'eau douce sont ainsi disponibles sur la planète quand la consommation actuelle s'élève à 30 000 kilomètres cube par an. Mais les réserves sont réparties de façon inégale sur le globe. Ainsi, neuf pays se partagent 60% des réserves mondiales d'eau douce (Brésil, Russie, Canada, Chine, Indonésie, Etats-Unis, Inde, Colombie, Pérou). A elle seule, l'Asie représente 60% de la population mondiale mais ne dispose que de 30% des ressources disponibles en eau douce. Un Australien consomme 1 000 litres d'eau potable par jour, un Américain environ 600 litres et un Européen environ 150 litres.

Une mauvaise répartition naturelle des ressources qui s'accompagne d'une mauvaise gestion. "Aujourd'hui, seuls 55 % des prélèvements en eau sont réellement consommés. Les 45 % restants sont soit perdus, par drainage, fuite et évaporation lors de l'irrigation, ou par fuite dans les réseaux de distribution d'eau potable", note ainsi Marc Laimé. Sans compter bien sûr, l'agriculture intensive en Occident, qui nécessite de grandes quantités d'eau.

Un manque de volonté politique relevé par Solidarités. L'ONG rapporte ainsi que le part de l'aide publique au développement consacré à ce dossier a baissé de 8 à 5% depuis 2005. Une baisse qui s'inscrit dans un recul plus général de l'aide publique au développement, relève encore l'association. A l'occasion de cette journée mondiale de l'eau, l'ONG va remettre au président français Nicolas Sarkozy ainsi qu'au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. La pétition a déjà recueilli 50 000 signatures. Un Rapport sur l'eau insalubre, première cause de mortalité au monde doit être par ailleurs remis au ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. L'ONG recommande notamment aux responsables politiques d'accroître de manière significative les ressources financières affectées à la question de l'eau. Elle demande par ailleurs la création d'une Agence internationale pour l'eau, qui serait chargée de la mobilisation des ressources et de leur affectation. Et d'espérer que de cette nouvelle Journée mondiale de l'eau découlent des engagements concrets et tenus sur le long terme.

Mots clefs:

accès à l'eau (CI) (DT) (OP) , manque, rareté (CI) (DT) (OP) , mondial (CI) (DT) (OP) , objectifs du millénaire (CI) (DT) (OP)

Editeur/Diffuseur:

JDD - Le journal du dimanche - Paris
    

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