Troisième Forum mondial de l'eau

Du 16 au 23 mars 2003 s'est tenu au Japon le Troisième Forum mondial de l'eau, conjointement préparé par le Conseil mondial de l'eau et le Comité de pilotage national japonais. Durant ce forum, un très grand nombre de partenaires issus de la société civile, des collectivités locales, du secteur privé, du milieu de la recherche et des gouvernements et administrations, ont pu partager et échanger leurs expériences au travers des très nombreuses sessions qui s'y sont déroulées.

Dans le cadre de ce forum de l'eau, le pS-Eau et de nombreux partenaires français et d'Afrique francophone se sont pleinement mobilisés et impliqués dans l'organisation de sessions thématiques et l'animation d'un pavillon francophone.
Le pavillon francophone, situé au sein du Stakeholder Centre (au Kyoto International Conference Hall), a regroupé des partenaires de France, d'Afrique francophone et du Maghreb, qui ont pu y exposer leurs activités. Ce pavillon a été mis en oeuvre grâce à l'appui financier de l'Agence française de développement (AfD), de l'Agence de l'Eau Seine-Normandie et du ministère de l'Écologie et du Développement durable.

L'ambition d'une concertation maximum
Une des ambitions majeures du forum était la rencontre et l'échange entre les acteurs de l'eau. Le pavillon francophone et les sessions thématiques, présentées ci-après ont permis de concrétiser cette ambition, et de permettre aux acteurs francophones d'échanger et construire de nouveaux partenariats tout en affirmant leurs besoins en matière d'application à grande échelle des idées débattues.
Grâce à la prise en charge par les organisateurs du 3e Forum mondial de l'eau et le concours de l'Agence française de développement et du ministère des Affaires étrangères, de nombreux Africains francophones représentant les administrations comme la société civile ont activement participé aux débats : Mamadou Lamine Kouate (directeur général de l'Onea, Burkina Faso), Malal Toure(coordinateur du programme Eau Populaire à Enda, Sénégal), Félix Adegnika (PDM, Bénin), Edmond Kabore (Association pour le développement des adductions d'eau - ADAE, Burkina Faso), Gaharo Doucoure (vice-président du Haut-Conseil des Maliens de France et de la Fédération des organisations de migrants en France), Émile Tanawa (ENSP Yaoundé, Cameroun), Jean Bosco Bazie (Eau vive, Niger), Amadou Hama Maiga (directeur de la recherche de l'EIER-Etsher, Burkina Faso), Yaotrée Djimédo Amegnran (responsable de la communication au Crepa, Burkina Faso), Aboubacar Djirmey (responsable du Bureau d'études Beria, Niger, Mohamed Ould Tourad (directeur de l'ONG Tenmiya, Mauritanie), Amadou Diallo (directeur du Bureau d'études Laforet, Guinée), William Ramaroharinosy (ONG Fikrifama, Madagascar), Jean-Pierre Elong Mbassi (coordinateur du Partenariat pour le développement municipal), Oumar Traore (DNH du Mali).
Il faut remercier le ministère des Affaires étrangères qui a permis la traduction simultanée de nombreux débats, le ministère de l'Écologie et du Développement durable qui nous a permis de réaliser le pavillon francophone très apprécié de tous et enfin l'Agence française de développement sans qui nous n'aurions pu organiser les débats autour des acquis de nos partenaires africains.

Pour les partenaires francophones qui se sont rendus à Kyoto, ce troisième forum a été une réelle opportunité de faire connaître leurs expériences, de découvrir de nouveaux programmes et d'échanger entre pays du Sud.
Un décloisonnement certain s'est opéré à cette occasion entre les représentants des États d'Afrique, les associations et les collectivités. Cela a été particulièrement frappant sur des thèmes comme les petits opérateurs privés, l'assainissement ou le financement des collectivités locales du Sud.
Les pratiques et les leçons acquises par le passé ont pu être largement exposées et débattues par les divers représentants présents et, à ce sujet, la participation francophone était particulièrement importante et diversifiée. Cela a permis d'intégrer ces réflexions dans la masse des communications des pays anglophones et de les faire ressortir et prendre en compte dans les restitutions des journées thématiques.

L'assainissement, une problématique majeure
La question de l'assainissement a, durant ce forum, eu une réelle place (le Conseil de concertation pour l'Eau et l'Assainissement a largement repris les conclusions de nos travaux), mais aussi les débats sur le rôle des collectivités (la charte qui a été présentée par Madame Constantin soulignait l'importance de trouver des financements propres aux collectivités du Sud et de renforcer leur capacité de gouvernance), et sur la participation de la société civile et de l'importance de la connaissance de la demande (Eau vive a été très présente sur ce sujet). Enfin, la nécessité d'un Observatoire de l'eau pour mieux connaître les besoins et la couverture actuelle de ces besoins a été retenue ainsi que l'importance du RIOB dans l'extension et la compréhension de la gestion de l'eau par bassin.

Comment financer les objectifs du millénaire
Le financement des objectifs de développement du millénaire a été clairement posé dans le travail du Panel Camdessus. Il faut souligner que si ce travail était consacré au financement des infrastructures, il n'en a pas moins reconnu et souligné l'importance de renforcer les solutions originales existantes pour le secteur rural et périurbain, ce qui dépasse largement la réflexion sur les seules infrastructures. L'Agence française de développement a activement participé aux débats sur ce sujet, notamment sur le partenariat public/privé.
A ce sujet, nous pouvons regretter que seule la contestation de la « Privatisation de l'eau » ait pu s'exprimer en conclusion de l'exposé du Rapport du Panel Camdessus. Il aurait été certainement plus constructif pour les populations privées d'eau potable et d'assainissement de réellement appuyer les propositions les plus favorables à une gestion locale pertinente et efficace. Il est en effet important de faire valoir les positions des uns et des autres, mais sans oublier l'objectif qui est de fournir de l'eau en quantité et en qualité et d'équiper en dispositifs d'assainissement le plus rapidement possible les populations qui n'y ont pas encore accès.

De nombreuses sessions
Les organisateurs du forum ont programmé de très nombreuses session sur trois sites géographiques différents. Cette profusion a permis une grande richesse des débats mais n'a pas permis aux participants de tirer partie des trop nombreuses opportunités d'échanges. Les comptes rendus de ces nombreuses sessions (plus de 150) sont disponibles sur le site du Conseil mondial de l'eau (www. worldwatercouncil.org) et sur celui du Troisième Forum mondial de l'eau (www.world.water-forum3.com).

Le pS-Eau a pour sa part organisé les sessions suivantes :

*Session « Assainissement urbain durable : enseignements d'un programme de recherche- action ».
(téléchargeable sous ou )
Le 16 mars de 15h45 à 18h30 à Kyoto dans la cadre de la thématique « Sanitation and Safe Water Supply for Improved Health and Sustainable Development ». Co-organisée avec PDM (Bénin) et le ministère des Affaires étrangères, avec l'appui de l'AfD.

*Session « Valorisation de la recherche pour améliorer l'accès aux services d'eau et d'assainissement dans les villes africaines ».
(téléchargeable sous ou )
Le 20 mars à Kyoto (KICH) de 15h45 à 18h30 dans le cadre de la thématique « Water, Education and Capacity Building ». Co-organisée avec l'ENSP Yaoundé (Cameroun), avec l'appui du ministère des Affaires étrangères et de l'AfD.

Ces enseignements sont en cours d'analyse et de formalisation et devraient être partiellement disponibles en septembre.
De plus, à l'issue de ces sessions, une proposition conjointe entre le pS-Eau et le PDM a été soumise au ministère des Affaires étrangères dans le cadre d'un programme plus global sur « Eau et développement durable », afin de valoriser auprès des partenaires africains les enseignements issus des programmes de recherche animés par le pS-Eau et le PDM sur l'accès à l'eau potable et l'assainissement.

*Session « Accès à l'information: partage des connaissances et renforcement des capacités ».
(téléchargeable sous ou )
Le 19 mars de 15h45 à 18h30 à Osaka dans le cadre de la thématique « Water & Information ». Co-organisée avec le Crepa (Burkina Faso), avec l'appui de l'AfD.
Les points importants de cette session :
- Faire savoir aux acteurs que l'information existe, et leur montrer où elle est accessible.
- Les besoins d'accès à l'information au niveau le plus bas nécessite le renforcement des capacités des organismes existant localement, au Sud.
- Le concept de centre ressources est intéressant, mais partant du principe selon lequel il n'existe pas d'organisation parfaite (détenant toutes les compétences), il est indispensable de travailler en réseau.
- Renforcer les initiatives comme le site Internet portail « SADIEau » (Système africain de diffusion de l'information sur l'eau) qui vise à faciliter les recherches afin d'accéder plus rapidement à cette information.
- Il n'est pas indispensable de multiplier indéfiniment les structures, les réseaux ou les outils, mais il faut d'abord améliorer l'existant.

*Session « Solidarité Nord-Sud pour l'eau (centime/m3) ».
(téléchargeable sous ou )
Le 20 mars de 12h30 à 14h30 à Kyoto dans la cadre de la thématique « Financing Water Infrastructure ». La préparation de cette session a bénéficié de l'appui du ministère de l'Écologie et du Développement durable et de l'AfD.
Les points importants de cette session :
- Un travail de communication sur les questions de développement sera un préalable incontournable à la mise en oeuvre de ce nouveau mode de solidarité.
- Quelle est la capacité de ces financements complémentaires à résoudre des problèmes d'une telle ampleur tels que ceux liés à l'eau ? L'accent a ainsi été mis sur le complémentarité entre les différents systèmes de solidarité existants.
- Des outils ont été élaborés, mais doivent encore être finalisés.
- Il est indispensable de faire évoluer la législation de manière à la rendre plus favorable à ce type d'initiatives.
- Les collectivités territoriales et les professionnels du secteur doivent être impliqués. Pour les élus d'un pays du Nord, cela constitue un défi de démocratie locale que de faire partager cette ambition par les usagers de l'eau et les contribuables qui sont leurs électeurs, en les sensibilisant à l'usage d'une ressource qui fait tant défaut auprès d'un milliard de personnes.
- Lorsque les fonds sont importants, il apparaît nécessaire d'identifier des administrations, des ONG, ou d'autres acteurs, qui soient capables d'exploiter immédiatement les financements mobilisés.
Le pS-Eau s'est par ailleurs pleinement impliqué dans les deux sessions suivantes :

*Session « The Role of Small Scale Private Water Providers in Serving the Poor ». Organisée par la Banque asiatique de développement, avec la collaboration de Hervé Conan (Burgeap) et de Marc Vézina (pS-Eau), le 19 mars à Osaka de 8h45 à 11h30.
Cette session a particulièrement intéressé les participants africains qui ont découvert les réalités du recours au petit partenariat privé en Asie. Ceci a permis de faire une typologie de ces acteurs et de lancer de nouvelles pistes de réflexion sur la légitimation et la professionnalisation de ces acteurs privés locaux ou nationaux (qui occupent de 30 à 50 % du marché de la distribution) travaillant encore en majorité de manière informelle et non contrôlée.

* Session « Genre et Eau ».
(téléchargeable sous ou )
Organisée par l'Alliance Genre et Eau, le 17 mars à Kyoto, 9h00 -18h00. Olivia Drevet- Dabbous (pS-Eau) y a présenté avec Fatoumata Guindo de Helvetas Mali une des sept études de cas. L'étude de cas présentée concernait l'intégration du genre dans la gestion de quatre infrastructures hydrauliques dans le cadre du Programme d'appui institutionnel au secteur Eau (PAI-Eau) dans la région de Sikasso au Mali.
L'intégration transversale du genre nécessite d'avoir recours à des approches fondées sur une compréhension approfondie de la société, reconnaissant et tenant compte de sa diversité (genre, pauvreté, ethnicité, communautés minoritaires et majoritaires, etc). Les expériences présentées ont révélé :
- une grande diversité de réalités ;
- que si les hommes peuvent se permettre de se désintéresser du service d'eau et d'assainissement, les femmes ne le peuvent pas ;
- que le genre est encore introduit seulement lorsque le système ne fonctionne pas, il n'est pas conçu comme une pré-condition à la réalisation des projets ;
- qu'à moyen terme, les investissements en termes d'intégration transversale du genre permettent de pérenniser les projets et programmes ;
- que les normes et institutions doivent être modifiées car elles sont fondamentales pour une plus grande implication des femmes.

Les acquis de Kyoto
En résumé, nous pouvons dire que :
- la participation francophone a été significative et entendue, l'Afrique y a tenu une large place ;
- les demandes des États du Sud ont été posées de manière claire et explicite (compléter les équipements y compris les barrages, renforcer les compétences, particulièrement celles des collectivités locales, doter les pays de cadres de référence dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, etc.) ;
- la question du financement a été approfondie et à fait l'objet de propositions : hausse de l'APD dans le domaine de l'eau, garantie des investissements, financement des collectivités, recours à tous les partenariats possibles (État, collectivités locales, bailleurs de fonds, privés, associations, société civile locale), financement solidaire (coopération décentralisée et non gouvernementale, centime/m3, etc.) ;
- les partenariats européens opérationnels se confirment comme étant les nouveaux champs d'efficacité des action s.


En conclusion, nous tenons à remercier tout particulièrement toute l'équipe du secrétariat du Troisième Forum mondial de l'eau à Kyoto, sans qui notre participation au forum mondial n'aurait pu se faire dans les excellentes conditions que chacun a vécues. Ce forum a aussi été l'occasion pour les membres du pS-Eau de vérifier l'écart qui sépare encore les objectifs de développement du millénaire qui ont été réaffirmés et précisés, et les outils proposés pour les atteindre. La mise en oeuvre de mesures concrètes reste le grand chantier des prochaines années.

 

Bruno Valfrey
Christophe Le Jallé

Pierre-Marie Grondin