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Recherches n°7
: Mobilisation communautaire pour la
distribution et la protection de leau potable dans un
environnement urbain défavorisé au Tchad et au Sénégal
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[ Rapport ] [ Contacts
et fiche technique ]
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Cette fiche présente les aspects essentiels
de laction de recherche que nous avons menée sur quatorze
mois entre novembre 1996 et février 1998. Elle expose les
cheminements suivis, les acquis et les perspectives dune
recherche qui a été entamée en partant dun
constat, celui des difficultés que les acteurs sociaux ont à
agir durablement sur la rareté en eau potable dans les
quartiers défavorisés des villes africaines, et dune
proposition à tester, celle que la mobilisation communautaire,
existante et identifiée, peut être un facteur décisif
de lamélioration de lapprovisionnement en eau.
Contexte, objectifs et méthodologie
Notre action de recherche est partie des demandes exprimées
par nos partenaires tchadiens et sénégalais au cours de
recherches participatives précédentes. Nous partions dune
démarche précédente, inscrite dans un PPE
(Programme prioritaire environnement de la Coopération suisse),
qui avait permis daboutir, dans trois quartiers de NDjaména
(Milezi, Chagoua et Ardep Djoumal), au financement (principalement par
lUNICEF) de linstallation de bornes-fontaines. Il nous
restait à accompagner les projets dinstallation, et à
en suivre les évolutions pour aboutir à la gestion
durable de la ressource. A Dakar (Guinaaw Rails) nous partions dune
distribution largement individualisée qui venait buter sur de
graves irrégularités dans le service public. Une
remobilisation communautaire pouvait-elle y répondre ? A Kër
Maam Alaaji, quartier maraboutique de Thiès, limplication
collective des habitants était sous-tendue par des impératifs
religieux.
Pour les partenaires, lintérêt scientifique
reposait sur la possibilité de valider (ou non) les hypothèses
de RAF (Recherche Action Formation) comme facteur damélioration
de lapprovisionnement en eau. Les facilitateurs de la RAF, des étudiants
et travailleurs sociaux vivant dans les quartiers concernés,
devaient acquérir une qualification diplômante, en
assurant comme conseillers linterface du projet (en particulier
dans la gestion de conflits). Les partis pris qui pouvaient résulter
du manque de recul quinduisait une très forte implication
ont du être gérés tout au long du programme.
Le climat de confiance, qui préexistait à la recherche,
a pu mûrir lors des ateliers de démarrage de NDjaména
et Dakar. Les synergies de laction ont été saisies
en temps réel selon les principes de la déprogrammation-reprogrammation. |
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Lun des points forts de notre démarche
RAF aura été de mettre en réseau les acteurs
concernés par leau, dans les différents lieux de
la recherche, en croisant en particulier les compétences théoriques
et pratiques ainsi que les diverses expériences. Les outils les
plus utilisés auront été les réunions de
quartiers et de carré, les visites dacteurs externes, les
incessantes restitutions des avancées auprès des
bailleurs, des autorités et des acteurs de quartier.
Les principaux acquis
» La prise en compte des représentations
et réalités de leau potable (nous en avons élaboré
une base de donnée), comme élément de base des échanges
participatifs entre acteurs, a été une entrée
porteuse de modifications des usages à risque.
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Quelques représentations de leau
potable admises dans les quartiers de la recherche soumises à
la critique et à la modification
- Alors quil y a une épidémie
de fièvre typhoïde en décembre 1997 qui
touche apparemment les enfants des classes les plus aisées
de NDjaména, la rumeur dit que tous ces gens étant
des abonnés de la STEE, cest leau du robinet
qui est responsable de cette pathologie. Même si lexplication
de cette discrimination inversée est simple à
savoir que tout le monde a été touché, mais
que seuls ceux qui en ont les moyens se sont soignés et
ont vu leur maladie identifiée il nen reste
pas moins quun mouvement de désaffection de leau
du robinet va sensuivre.
- A Milézi dans un entretien informel
(document 23, p. 12) on nous apprend que leau des puits et
du fleuve posséderait des vertus médicinales
pouvant soigner les maux de ventre et le paludisme. Dans le même
quartier des enquêteurs avaient noté que leau
courante, limpide, était considérée comme
moins nourrissante que celle des puits et du fleuve plus
trouble. De même leau de pluie bénéficie
dun satisfecit pour son goût.
- A Guinaaw Rails, dans les réunions
publiques, diverses opinions sindignent de la qualité
de leau du robinet, du coût prohibitif des
branchements, des surfacturations.
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» Lappropriation collective de la
représentation du cycle urbain de leau et de la complexité
de sa gestion, alors que lon partait dapproches
parcellaires et conflictuelles. Ainsi, au fil des ateliers et de laccumulation
des expériences de terrain, les questions de leau potable
et de la mobilisation communautaire, celle des échelles
efficaces du traitement de la première grâce à la
seconde, ont pu être prises en compte. Les problèmes découlant
de la pertinence et de larticulation scalaire des territoires
ont constitué les principaux obstacles théoriques et
pratiques que la RAF sest appliquée à révéler
et à traiter. En particulier il a fallu dissocier léchelle
initiale de mobilisation communautaire, qui visait à léquipement
dun quartier, de celle de la gestion, qui prétend à
la pérennité dun service, comme celui fourni par
la borne-fontaine ou un branchement individuel. Dautres
territorialités plus vastes que les précédentes
ont été prises en compte, comme celle au Sénégal
de la remobilisation (correspondant à une demande de
branchements sociaux, de réseaux dassainissement et de défense
du consommateur).
» Latténuation des
discontinuités daccès à leau.
Celles-ci une fois identifiées (il sagissait en
particulier de celle correspondant au passage de léconomie
formelle du réseau à léconomie informelle
de la redistribution) comme inductrices des comportements de stockage
à risque, des mouvements erratiques des prix et des surcoûts
de leau potable pour les plus pauvres (multiplication de 4 à
10 entre les prix à labonnement, à la fontaine et
au porteur), ont fait lobjet dune information largement
diffusée et échangée entre les différents
sites, pour asseoir une conscience collective base dune forte
mobilisation, qui déjà durant le programme a connu des
fluctuations.
» Aussi, et afin déviter quun
déficit de dialogue entre les acteurs de leau ne conduise
à des situations de blocage et à des privatisations de
fait de la redistribution de leau, la recherche a élaboré
un Système dinformation de base communautaire (SIBC) quelle
a testé et qui repose sur les grandes lignes de force suivantes
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- Il est une base de données (celles apportées
par la recherche) évolutive mise à la disposition des
partenaires de leau (acteurs locaux, institutionnels et intermédiaires).
- Il fonctionne comme une mémoire de leau
conservée éventuellement par un comité, mais
surtout mobilisable en toutes circonstances.
- Il est un espace virtuel (ou physique) de
concertation où lon peut envisager que des rencontres
entre les acteurs de leau se déroulent à la
demande de lun dentre eux. Il peut ainsi devenir un
appui à la gestion des conflits réels ou supposés.
- Il est un lieu de formation des acteurs locaux à
la gestion et des institutionnels aux représentations et au vécu
des usagers.
- Il peut devenir un instrument de mise en place dune
gestion paritaire de leau reposant sur la définition dun
code de leau décrivant les droits et devoirs réciproques
de lusager et des distributeurs formels et informels.
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Un tel outil, quil reste à affiner et à
reproduire sur une plus grande échelle dans une étape
ultérieure de la recherche, devrait permettre daboutir à
une gestion durable de leau. |