Les Recherches

Recherches n°5 : Légitimité et stratégie des acteurs du secteur de l’eau

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Cette recherche est avant tout qualitative du fait de son entrée sociologique. A travers l’étude de différents cas et la connaissance des projets de gestion alternative des services d’eau potable, elle vise à :
- clarifier le concept de " projet participatif " ;
- étudier l’effet de levier des projets partagés de l’eau ;
- analyser les conditions favorables à l’émergence de telles dynamiques ;
- élaborer des recommandations.


Méthodologie

Pour mener à bien cette réflexion, nous avons identifié des opérations mettant en jeu une gestion partagée de l'eau dont les diversités puissent permettre d'enrichir les données et offrir des points de comparaison répondant aux objectifs que nous nous étions fixés. Quatre terrains ont été retenus où ont été menées des enquêtes qualitatives et conduits des entretien menés sur la base d’une grille détaillée reprenant les principales hypothèses de départ :

Sénégal

Quatre opérations ont été retenues à Dakar :

  • le cas d'Enda " Eau populaire ", mené par une antenne d'Enda Tiers Monde à M'Fsbao (quartier irrégulier), commune du grand Dakar ;
  • le cas du programme d'aménagement et projet de quartier de Rufisque, mené par Enda RUP (Relais urbain participatif) ;
  • le projet de quartier informel du Rail en plein coeur de Dakar, mené par Enda-Sigui pour le projet de quartier, Enda "Eau populaire" pour la potabilisation ;
  • le " projet de ville " initié dans le cadre de PDSU à Thioraye - Genaw-Rail (commune du grand Dakar), mené par Enda Ecopop.

Mali

Deux opérations ont été retenues :

  • le projet-pilote de réhabilitation du quartier de Samé (Bamako), mené autour de la dynamique de l'association de quartier (ACDSK) et appuyé par Alphalog ;
  • la gestion de l'eau à Ségou sous l’égide d’une coordination de micro-entrepreneurs (GIE) appuyée à son démarrage par l'antenne locale d'Alphalog.


Haïti

L’étude a porté sur trois projets ou programmes successifs et intégrés d’adduction d’eau et d’aménagements dans les bidonvilles qui ont touché 14 quartiers de Port-au-Prince et concernent 200 000 personnes. Ces projets sont menés par le Gret :

  • le programme ECHO (programme d’urgence) qui n’a duré que 8 mois et a été le début d’un processus ;
  • il s’est prolongé par un projet financé par l’Union européenne DG8 ;
  • et un projet financé par la CFD.


Cameroun

L’étude a concerné le programme FOURMI (Fonds aux organisations urbaines et aux micro-initiatives) qui s’étend à cinq villes au Cameroun et parmi lesquelles nous en avons retenu dans le cadre de ce travail. Ce programme atteint aujourd’hui sa troisième et dernière année et compte plus de 200 projets menés par les habitants et cofinancé par le fonds mis à leur disposition dans le cadre de ce programme. Le Gret est l’opérateur de ce projet en partenariat avec des ONG locales :

  • Yaoundé, bornes-fontaines, projets du CAD de Nkolmesseng (quartier périurbain) mené avec l’appui du CASS/D (Centre animation sociale et sanitaire) ;
  • Bafoussam, bornes-fontaines à Djeleng (quartiers sous-équipé dans une ville secondaire importante : 150 000 habitants), projets des CAD menés avec l’appui du CEPAD (Centre d’éducation populaire et d’animation au développement) ;
  • Bafang, bornes-fontaines à Mouenkeu (quartiers sous-équipé dans une ville secondaire : 40 000 habitants), projets des CAD menés avec l’appui du CDCV (Centre de développement des communautés villageoises).


Résultats de la recherche

Cette réflexion a permis aux opérateurs de se pencher sur leur propre pratique et de prendre le temps de mettre les choses à plat selon un questionnement " objectif ". Cela leur a également donné l’occasion de bénéficier d’un regard en miroir par l’intermédiaire des entretiens et d’ouvrir le champ des possibles en matière de choix méthodologiques ou stratégiques, par la connaissance de démarches où des options différentes ont été prises. Les résultats scientifiques sont essentiellement de trois ordres :

  1. A travers l’étude et la mise à plat des différentes expériences faisant partie de l’échantillon, un paysage relativement large de la diversité des situations et des agencements de variables qui peuvent se présenter en matière de projets participatifs autour de l’AEP a pu être dressé.
  2. L’étude a démonté et analysé les mécanismes selon lesquels de tels projets sont susceptibles d’être facteurs de démocratisation au niveau local, de servir de levier de développement local et d’engendrer des modes d’investissements et de services durables.
  3. Toutes ces observations ont pu être synthétisées pour pouvoir en tirer des enseignements et établir une liste (provisoire) de recommandations opérationnelles, directement réutilisables par les opérateurs et les protagonistes du développement local (collectivités locales et concessionnaires).


Enseignements et recommandations

Nous avons pu profiter de la richesse comparative de quatre pays, ce qui est rare dans une seule démarche. Ceci nous a permis de formuler des recommandations qui s’adressent respectivement aux acteurs concernés par la mise en oeuvre de ce type de projets.

Efficience des projets

Les dynamiques de mobilisation sociale autour de l’AEP sont riches de potentialité, mais elles comportent aussi des risques d’enlisement et de dérive. Pour que le parcours qui conduit de l’idée à la mise en service de bornes-fontaines par exemple, aboutisse non seulement à une accessibilité minimale à l'eau, mais crée les conditions d'une meilleure participation des habitants et renforce la démocratique locale, cela demande souvent un accompagnement de la part de l’opérateur intermédiaire. Ce travail suppose un savoir-faire et une maîtrise des enjeux dont nous avons pu faire émerger quelques points-clés. C’est donc à ces opérateurs que s’adresse un premier jeu de recommandations qui devraient constituer des indications utiles dans l’accomplissement de leur travail. Cela concerne l’information, l’organisation des comités, leur composition et leur fonctionnement. Cela a également trait aux contributions locales qui constituent souvent l’élément de validation de l’implication des habitants et implique la compréhension de la démarche de collecte, des modalités adaptées aux conditions de vie des habitants pour établir la confiance. Cela concerne enfin l’ensemble des compétences nécessaires à acquérir et les responsabilités à assumer par les acteurs locaux pour pérenniser la gestion et optimiser la rentabilité des points d'eau.

Concertation locale

Les projets de développement ne sont qu’une des formes du changement social et, de ce fait, ne peuvent être appréhendés isolément de l’ensemble des acteurs locaux (institutions et concessionnaires notamment) qui en sont parties prenantes. L’étude des projets nous a permis d’analyser la place et leurs rôles spécifiques. Les recommandations qui peuvent être faites à leur endroit ne concernent pas les politiques. Celles-ci ont bien sûr une importance déterminante dans le cours des projets dont il est ici question, notamment s’agissant de décentralisation. Pourtant, cela déborderait le cadre de cette recherche et demanderait un approfondissement rigoureux pour déboucher sur des orientations précises et cohérentes. Nous nous sommes donc centrés sur les recommandations qui favorisent le dialogue entre acteurs, car nous pensons que c’est à travers une concertation organisée que peut véritablement se renouveler le mode de gestion locale. Aussi, nous avons examiné la façon dont chaque acteur peut ou non favoriser ce changement de perspective à travers son mode d’implication dans les projets d’AEP. Celles-ci concernent des aspects de compétences et d’acquisition d’outils adéquats de connaissance. Cela a également trait à la mise au point de cadres formels et d’engagements en termes de qualité du service, voire de cofinancements.

Environnement opérationnel

La mise en oeuvre de ce type de projets induit une évolution des manières de faire pour renforcer les dispositifs de gestion de l'eau et les rendre à la fois plus performants, mais aussi ferment de responsabilisation au niveau économique, social et urbain. Cela ne sera possible que si les cadres d’intervention le permettent ou même le favorisent. Nous avons donc énoncé quelques recommandations concernant les dispositifs opérationnels qui s’adressent prioritairement aux commanditaires de projets et portent sur l’accumulation des connaissances, l’adaptation des montages financiers et l’évolution des dispositifs de projets.


Perspectives

Les perspectives ouvertes sont nombreuses et peuvent consister pour les opérateurs à mettre ces recommandations à l’épreuve des faits. D’autres perspectives ne pourront s’incarner qu’en fonction des possibilités matérielles dont nous pourrons disposer. Il pourrait s’agir de la reprise de la démarche et de son approfondissement pour aboutir à l’élaboration d’un document permettant une meilleure diffusion/confrontation des enseignements et recommandations issus de la recherche.


» Contacts et fiche technique

Responsable de Recherche

Isabelle de Boismenu, GRET - 211 / 213 rue La Fayette
75010 Paris France
Tél. : (33) (0)1 40 05 61 29/36
Fax : (33) (0)1 40 05 61 10
E-mail :

Partenaires

Sylvaine Bulle, consultante sociologue
Sarah Mathieusand, sociologue, stagiaire au GRET en Haïti
Christophe Hennart, chef de projet GRET au Cameroun
Malick Gaye, Sénégal, ENDA RUP
Seydou Diakité, Mali, Alphalog
Adonis Touko, Joseph Kemmegne, Louis Pierre Ngalie Ngeulieu, Cameroun, Forum Camerounais de Psychologie (FOCAP)
Sabah Abouessalam, sociologue, CECOD, Laboratoire Tiers monde Afrique, CNRS

Pays concerné(s) : Sénégal (Dakar) ; Mali (Bamako, Segou) ; Haïti (Port au Prince) ; Cameroun (Yaoundé, Bafoussam, Bafang)
Axe(s) de recherche concerné(s) : 2.2 ; 2.3
Milieu(x) concerné(s) : quartiers périurbains et petits centres
Durée : 17 mois
Coût : 262 000 FF



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