retour imprimer © Lettre du pS-Eau 48 de Jun 2005

A Nsongwa, un quartier de Bamenda, au Cameroun

Populations et pouvoirs locaux se mobilisent pour alimenter en eau un quartier excentré

Le problème d'approvisionnement des populations en eau potable reste critique dans les agglomérations africaines. A Bamenda, au Cameroun, une organisation de la société civile a pris l'initiative de réaliser une adduction d'eau alimentant le quartier Nsongwa.

Ressource essentielle, l'eau potable est une denrée inégalement répartie en Afrique. Des situations de pénurie ou de déficits chroniques s'accroissent, notamment dans les villes, contrecoup du rythme accéléré de la croissance démographique non maîtrisée. Cette situation, notamment au Cameroun, s'accentue à travers la création de quartiers spontanés sans infrastructures sociales de base.
Le quartier Nsongwa de la ville de Bamenda illustre cette situation. Localisée dans une cuvette avec un relief très accidenté, ce quartier de 2000 habitants n'a pu être raccordé au réseau d'alimentation en eau potable à l'époque de la Société nationale des eaux du Cameroun.
Frappées par les maladies diarrhéiques (dysenterie amibienne, choléra, etc.), les 2000 habitants de Nsongwa réunis autour de leur association de développement ont décidé en 2001 de monter un projet d'adduction d'eau potable. Le lancement du Programme d'appui aux capacités décentralisées de développement urbain (PACDDU) de la coopération Cameroun Union européenne, a accompagné ce projet approuvé par le Comité local de concertation de la ville.
Il s'agissait de capter l'eau par gravitation sur une distance de 3,5 kilomètres en construisant un réservoir à la station de captage, un mini-château d'eau, une canalisation comprenant sept stations de contrôle et regards de décantation, et sept bornes-fontaines de distribution dans le quartier.
Ce projet était estimé à un coût total de 9 900 000 Fcfa dont plus de la moitié en subventions demandées au PACDDU et 4 400 000 Fcfa en contributions propres des bénéficiaires (en nature et en espèces) sur une durée de six mois.

L'association de développement de Nsongwa se caractérise par l'existence à sa tête d'une équipe dynamique, avec un président actif qui sait mobiliser les populations autour d'une action de développement communautaire. Elle regroupe en son sein tous les habitants du quartier. Elle est aussi reconnue par les autorités traditionnelles du quartier et par les élites qui approuvent à distance toutes les initiatives entreprises par les responsables associatifs.
C'est sur ces bases que les populations du quartier ont activement participé aux travaux : le creusement de la canalisation longue de 3,5 kilomètres sur un relief accidenté, la fourniture et le transport des matériaux.

L'Ong locale Multipurpose Rural Development (Murudev – Bamenda) a accompagné l'association de Nsongwa, de la conception du projet jusqu'à sa réalisation finale, en renforçant les capacités des bénéficiaires.
Grâce à une série d'animations auprès des habitants, elle a contribué à la mise en œuvre des actions suivantes :
– choisir un ingénieur hydraulicien compétent qui, sur une base contractuelle, a conçu le plan technique et assuré la réalisation de tout le projet ;
– maîtriser la rédaction des rapports technique et financier du chantier ;
– gérer et arbitrer les conflits qui peuvent apparaître au sein du collectif dans ce type de projet.

L'appui de Murudev a également permis la création des mécanismes de pérennisation de l'exploitation de l'infrastructure. Ainsi un comité de gestion composé de techniciens endogènes et d'habitants du quartier a été mis en place. Ces personnes formées par l'ingénieur hydraulicien assurent désormais le suivi, le traitement de l'eau et la maintenance du réseau. Les populations puisent gratuitement l'eau aux robinets et prennent en charge l'entretien du système sur la base d'une contribution annuelle de 1000 Fcfa par personne.
Au plan légal, le PACDDU a pris des dispositions pour assurer la légalité du projet. Celui-ci a en effet été sélectionné et validé par le Comité local de concertation qui est l'instance légale, par arrêté préfectoral, mise en place par l'Etat. La commune urbaine de Bamenda a ensuite donné son autorisation pour la mise en œuvre du projet sur son territoire. Le procès verbal de la réception finale du projet a été dressé lors de l'inauguration coprésidée par le préfet du département de Mezam dont Bamenda est le chef lieu et le délégué du gouvernement de la commune urbaine. Les signataires de ce procès verbal sont les parties prenantes du projet : l'association de développement de Nsongwa, l'ingénieur hydraulicien, l'Ong Murudev, le PACDDU et la commune urbaine de Bamenda.
Au plan traditionnel, le quartier de Nsongwa est dirigé par un chef de traditionnel qui est membre et président d'honneur de l'association de développement. Avec son conseil des notables, ce chef a donné son autorisation pour la réalisation du projet.


Droit foncier et droit à l'eau
Au plan du droit foncier coutumier, la canalisation, les regards de pression et de contrôle, la station de captage et le château d'eau traversent ou sont tous situés sur les domaines privés des habitants de Nsongwa. A ce niveau également, des accords et des signatures d'actes ont autorisé l'association à utiliser les parcelles de terre pour réaliser les travaux.
S'agissant du cas spécifique de la source, où la station de captage a été construite, une aire de protection verte et de mise en défense a été « légalisée ». Les habitants ont consacré ce lieu par des rites coutumiers, des prières de remerciements et des cérémonies de purification.

La société civile contribue ainsi à sa manière aux besoins en eau potable, qui en principe devrait être assurés par la commune, l'institution locale chargée de mettre à la disposition des populations les services sociaux de base.
Le manque de moyens des services publics obligent souvent les populations à développer leur propres stratégies pour subvenir à leurs besoins. L'eau qui est incontestablement une ressource essentielle est encore insuffisamment disponibles dans les cités urbaines au Cameroun, dont le nombre d'habitants ne cesse d'augmenter. Les organisations de la société civile appuyées ou non par des opérateurs spécialisés et/ou des programmes de coopération ont montré leur dynamisme. L'exemple du projet d'alimentation en eau du quartier de Nsongwa en témoigne.

Les éléments clés ont ici été : le dynamisme de la population regroupée en association de développement ; l'existence d'une Ong locale d'appui et de techniciens compétents ; le réalisme du projet, adapté dans sa dimension technique et financière ; la prise en compte des éléments coutumiers et le rôle facilitateur des services municipaux et administratifs.



L'apport du PACDDU aux organisations de la société civile
Financé par l'Union européenne, le PACDDU a pour objectif d'améliorer durablement les conditions de vie des populations urbaines, par la réalisation d'investissements appropriés et le renforcement des capacités décentralisées dans 5 villes secondaires du Cameroun : Bafoussam, Bamenda, Foumban, Maroua, Ngaoundéré.
Les bénéficiaires sont les communes, les services déconcentrés de l'Etat et les organisations de la société civile.
Le PACDDU apporte :
– un cofinancement à hauteur maximum de 80 % du coût total à travers un fonds de soutien aux investissements communaux et un fonds de soutien aux microréalisations ;
– met à la disposition de ces organisations une Ong d'appui pour accompagner le processus par des techniques d'animation participative ;
– met à la disposition de ces organisations un bureau d'études techniques pour le suivi et l'appui technique ;
– organise des formations ciblées à l'intention des bénéficiaires pour s'assurer d'une bonne maîtrise d'œuvre du microprojet ;
– favorise l'intégration de la société civile dans le processus de prise de décision au niveau local à travers son implication active dans le comité local de concertation que président le préfet et le maire ;
– assure la supervision générale par le biais de ses cadres de terrain.


Yves Koudjou
expert société civile
Tél. 237 956 00 01
ou 237 968 55 74
Email:
koudjou@pacddu.com
PACDDU / Programme d’appui aux capacités décentralisées de développement urbain
BP 847 Yaoundé Cameroun
Fax : 00 237 221 28 25

Email: pacddu@pacddu.com
Site internet: www.pacddu.com

Jean Philippe Susplugas
chef de mission
Tél. 237 968 5572
Email: susplugas@pacddu.com

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