retour imprimer © Lettre du pS-Eau 46 de Feb 2005

Grand Lyon / Beyrouth

Grand Lyon : 6 ans d'appui au renforcement des capacités du secteur public de l'eau au Liban

En 1997, dans le but de moderniser l'Office des Eaux de Beyrouth, la capitable libanaise signe
une charte d'amitié avec le Grand Lyon. Six années riches d'expériences, pour les deux parties.

Beyrouth, métropole de 1,5 million d'habitants, a subi pendant plus de 20 ans une guerre civile aux dimensions régionales. Suite à ce conflit, les infrastructures de distribution de l'eau potable et de collecte des eaux usées de la ville de Beyrouth ont été fortement détériorées.
Le Grand Lyon est une communauté urbaine regroupant 55 communes et 5 millions d'habitants. Responsable du service de l'eau, la direction de l'eau du Grand Lyon assure la gestion du service d'assainissement en régie directe et a délégué l'exploitation de ses installations de production et de distribution d'eau potable à deux fermiers.
En 1997, une charte d'amitié est signée entre le Grand Lyon et la ville de Beyrouth. Dans ce cadre de partenariat entre les deux grands centres urbains, Beyrouth demande au Grand Lyon de l'appuyer dans son projet de modernisation du service de l'Office des eaux de Beyrouth. Après 20 années de fonctionnement chaotique, ce service a besoin d'être restructuré.
En 1999 une première convention de coopération décentralisée d'une durée de deux ans et intitulée «programme d'appui au renforcement des capacités du secteur public de l'eau au Liban», est signée entre la direction de l'eau du Grand Lyon et l'Office des eaux de Beyrouth. Cette convention sera successivement renouvelée pour deux années supplémentaires en 2001, puis en 2003.
En 2003, suite au regroupement des divers offices des eaux (cf. encadré page suivante) en quatre établissements régionaux des eaux du Liban, et à la demande du ministère de l'Energie et de l'Eau, le Grand Lyon étend sa coopération à trois établissements : des conventions de deux ans sont alors signées avec les Eaux de Beyrouth et Mont-Liban, les Eaux du Liban-Nord et les Eaux de la Békaa.


Renforcement des capacités du secteur public
Le programme d'appui au renforcement des capacités du secteur public de l'eau au Liban poursuit les objectifs principaux suivants :
– moderniser et renforcer les capacités de maîtrise d'ouvrage du secteur public de l'eau ;
– promouvoir la gestion intégrée du cycle de l'eau ;
– favoriser les démarches de concertation et de participation (usagers, acteurs locaux, autres administrations).

Les actions réalisées auprès de chacun des trois Etablissements des Eaux de l'eau ont été adaptées à leurs besoins et à leurs demandes. Des objectifs ont ainsi été définis pour chaque opérateur de l'eau libanais, chacun de ces objectifs ayant mobilisé des partenaires et des compétences spécifiques.

Les méthodes d'intervention privilégiées
Afin d'assurer l'efficacité et la durabilité des différents volets du programme de coopération décentralisée, la direction de l'eau du Grand Lyon met en œuvre les différentes actions en s'appuyant sur les principes suivants :
• Rechercher l'appropriation des projets par les partenaires locaux.
La définition et la réalisation du programme de coopération nécessite l'application d'une “approche inductive” et du “principe de la contrepartie”, ce qui signifie
- que le programme de coopération part d'un besoin exprimé par le partenaire, quitte à contribuer à sa reformulation ;
- que la définition des objectifs et des modalités d'actions se fasse en étroite concertation avec le partenaire local et en fonction des moyens qu'il peut mobiliser ;
- qu'une fois le programme défini, les actions ne sont engagées que si le partenaire participe activement à leur réalisation.

D'un point du vue financier, il n'y a pas de transfert de fonds directs vers les partenaires locaux. Le cas échéant, les infrastructures, outils ou matériels développés dans le cadre des projets de coopération sont autofinancés par les partenaires locaux. Le Grand Lyon peut néanmoins aider ses partenaires à bénéficier d'une subvention.

• Favoriser dans la durée un échange réciproque de savoir-faire et de compétences.
L'appui technique et méthodologique proposé par la direction du Grand Lyon repose sur l'échange de savoir-faire et d'expérience. Cet échange est mis en œuvre par:
- la présence au Liban d'un représentant permanent du Grand Lyon dispensant une assistance technique et méthodologique au quotidien et assurant un suivi très régulier de l'avancement des projets et de l'évolution de leur contexte,
- des missions régulières au Liban des chefs de projets et d'experts du Grand Lyon, mobilisés selon les besoins des projets,
- des missions de formation et de sensibilisation à Lyon pour les personnels libanais.

Les missions d'échange et de suivi se sont succédées sur une durée de 6 ans avec l'Office des Eaux de Beyrouth.

Mobiliser les ressources et agir en concertation
Mobilisant de nombreux acteurs français (région Rhône-Alpes, association Corail, ville d'Aix-en-Provence, diverses entreprises) et libanais (administrations, collectivités locales, universités, associations), le programme a nécessité un budget d'environ 2 millions d'euros depuis 1999.
- Grand Lyon : 500 000 euros
- Région Rhône-Alpes : 900 000 euros
- Subventions (MAE, UE) : 350 000 euros
- Contribution des partenaires libanais : 250 000 euros.

Des rencontres régulières avec les principaux bailleurs de fonds ont été organisées afin de rechercher une cohérence et d'assurer une complémentarité avec les programmes menés par la coopération bilatérale : réforme institutionnelle du secteur de l'eau (MAE), délégation de gestion de l'Office des eaux de Tripoli (AFD), réhabilitation des infrastructures des eaux de la Békaa (Banque mondiale), appui à la planification des investissements dans le secteur de l'eau (UE), etc.

Les entreprises de la région de Lyon ont été mobilisées pour réaliser certaines actions de terrain, afin de valoriser leur savoir-faire à l'international.
La coordination des différents acteurs est assurée par CORAIL, une structure associative spécialisée en ingénierie de projet de développement à l'international.

Capitaliser les actions menées
Chaque activité est capitalisée au niveau de l'ensemble des partenaires libanais sous forme de séminaires, de conférences ainsi que d'ateliers et par la diffusion des actes de ces différentes rencontres.
Pour affiner ses pratiques de coopération décentralisée dans le domaine de l'eau, nous capitalisons en interne les enseignements que nous tirons de nos différentes interventions. Cette politique de capitalisation se traduit, notamment, par la production de bilans bisannuels et la définition d'une "méthodologie d'intervention en coopération décentralisée".


Quels résultats après 6 années de coopération décentralisée ?

Au Liban : un service de l'eau en mutation et une réforme sectorielle engagée
Un des premiers impacts de la coopération décentralisée menée entre le Liban et le Grand Lyon est l'évolution des comportements constatée chez les partenaires locaux :
• la volonté d'un travail en réseau et en concertation avec les différents acteurs de l'eau fait peu à peu suite à un fort isolement des Etablissements des Eaux :
- création à l'initiative des Eaux de Beyrouth et Mont-Liban d'un comité interministériel pour la protection de la source de Jeita ;
- formation d'un comité de concertation locale au Liban Nord autour de l'Etablissement des Eaux du Liban Nord, lieu d'échanges avec les municipalités, les universités et les associations de la région du Liban Nord.
• cette démarche de concertation est accompagnée d'une meilleure circulation de l'information
• les attentes de l'usager sont mieux prises en compte par le service public et, inversement, l'image des Etablissements des Eaux, très dégradée en 1998, se revalorise aux yeux des usagers.

La coopération décentralisée de la communauté urbaine de Lyon a participé à la réforme nationale du secteur de l'eau engagée par le gouvernement libanais. Les principaux points de cette réforme sont :
• une autonomie accrue des établissements des eaux ;
• une prise en compte de la gestion intégrée du cycle de l'eau :
- rattachement de l'activité assainissement aux missions des Etablissements des Eaux
- définition d'une politique pour la protection des ressources en eau ;
• une réflexion plus poussée sur les modes de gestion du service de l'eau faisant intervenir le secteur privé.


Au Grand Lyon : la valorisation d'un savoir faire régional
Au terme de ces 6 années de coopération, notre savoir-faire en matière d'eau et d'assainissement s'est trouvé valorisé :
- Les actions menées au Liban nous ont permis de porter un regard nouveau sur les problématiques de la gestion de l'eau, relativisant nos propres pratiques en la matière.
- La participation à des actions de coopération contribue au développement d'une culture commune au sein de notre direction de l'eau.
- L'intervention du Grand Lyon au Liban contribue à la promotion du savoir-faire des entreprises rhônalpines.

Quels enseignements pour quelles perspectives ?

Approfondir les pratiques de coopération décentralisée
Si les résultats obtenus au Liban sont encourageants, les limites et difficultés rencontrées au cours de notre intervention posent les jalons d'une réflexion à approfondir et de pratiques à optimiser en matière de coopération décentralisée :
- Le principe d'intervention en tant qu'appui à la maîtrise d'ouvrage est parfois difficile à faire comprendre aux partenaires locaux, habitués à des interventions en coopération plus "dirigistes".
- Les actions de la coopération menées sur le long terme aboutissent principalement à des changements comportementaux difficilement quantifiables. De ce fait, leur visibilité est peu évidente. Trouver un meilleur équilibre entre actions de sensibilisation menées dans la durée et actions de réalisations sur le court terme est souhaitable.
- Cette faible visibilité s'ajoute au fait que la plupart des bailleurs de fonds méconnaît encore souvent la coopération décentralisée. Ainsi, la prise en compte des actions de la coopération décentralisée dans la mise en œuvre des programmes de la coopération bilatérale reste rare, bien que la complémentarité des deux types de coopération soit démontrée.
- Au Liban, la question de notre désengagement est à étudier : quelles sont les modalités de désengagement à adopter afin de s'assurer de la continuité des actions que nous avons initié ?

Consolider la coopération décentralisée dans le domaine de l'eau sur la base de partenariats forts
Forte aujourd'hui de 6 années de coopération décentralisée au Liban, la communauté urbaine de Lyon s'appuie sur cette expérience pour redéfinir sa politique de coopération décentralisée :
- La reproductibilité de la méthodologie d'intervention construite au Liban est en passe d'être testée avec d'autres partenaires, tel que Madagascar ;
- La direction de l'eau du Grand Lyon s'oriente vers des actions de partenariat moins nombreuses mais plus étoffées, mieux préparées, plus durables.
- Enfin, l'évolution du contexte législatif de la coopération décentralisée (loi Oudin) nous permettra de consolider nos programmes de coopération décentralisée dans le secteur de l'eau.

Vincent Dussaux, Denis Hodeau, Gérard Caviglia


Vincent Dussaux
Direction de l'Eau du Grand Lyon
Communauté urbaine de Lyon
20, rue du Lac
BP 3103
69399 Lyon cedex 03
Tél. : 04 78 95 89 31
Email:
vdussaux@grandlyon.org

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