Bénin: Combattre la précarité sanitaire des populations

Premiers partenaires, l’Association européenne des rives de l’Etang de Berre, sensible au dénuement des populations, a fait appel à Aquassistance, opérateur spécialisé. [© Aquassistance]

Conduire un projet dans le cadre d'un partenariat multi-acteurs est une approche répandue qui donne des résultats. Retour sur les étapes d'un projet d'adduction intervillageoise mené au Bénin, dans lequel trois partenaires européens sont associés à la commune rurale de Boukombé (maître d'ouvrage commanditaire), dans le département de l'Atacora.

Koussoucoingou est le chef lieu de la commune de Boukoumbé, dans le département de l'Atacora au nord-ouest du Bénin. En 2007, l'Association européenne des rives de l'Etang de Berre (AEREB) a constaté la précarité sanitaire des populations due au manque d'équipement (dispensaire et maternité dans un état de délabrement avancé), à l'insalubrité (absence de toilettes et de ramassage des ordures), au manque d'eau potable (puits non entretenus, pompes manuelles inutilisables, points d'accès à l'eau très éloignés des habitations, transport de l'eau dans des bidons en plastique ayant contenu des substances dangereuses) et aux autres problèmes créés par la divagation des animaux domestiques.
L'AEREB a alors fait appel aux compétences d'Aquassistance, opérateur spécialisé, pour une expertise d'un projet d'adduction d'eau villageoise (AEV) sur les bases suivantes :
– expertiser le projet d'AEV pour l'alimentation du centre du village à partir d'un forage privé ;
– clarifier le mode de gestion de l'eau depuis le processus de décentralisation au Bénin ;
– définir les aménagements nécessaires pour une AEV et orienter le projet selon le potentiel local de la ressource ;
– renforcer les capacités des populations en matière de gestion et d'entretien des ouvrages.

Une convention de partenariat entre les deux associations, qui fixe les objectifs et les engagements des parties, a été signée en janvier 2011. Le syndicat d'adduction d'eau potable de Barjac s'est ensuite également associé au projet dans le cadre de son engagement dans la coopération décentralisée au titre de la loi Oudin-Santini.
Aquassistance a exécuté deux missions d'expertise en 2011. La première, en mars, visait à évaluer l'état de la ressource en eau de la zone de Koussoucoingou et à établir un bilan besoin-ressource afin de définir un avant-projet d'approvisionnement pérenne en eau potable de qualité, par bornes-fontaines à une distance raisonnable des habitations. Selon une étude socio-économique menée en parallèle à cette première mission, la population potentielle à desservir par le projet était estimée à environ 2 000 habitants.

Une étude de la zone avec les services de l'Hydraulique a identifié un forage localisé dans le village voisin de Tchapeta d'une capacité d'environ 15 m3/h, confirmée par des essais de pompage financés par Aquassistance et réalisés en fin de saison sèche par l'entreprise GES Afrique. Un avant-projet sommaire (APS) a ainsi été conçu sur la base :
– d'un exhaure, à partir du forage de Tchapeta, au moyen d'une pompe immergée électrique alimentée par le réseau moyenne tension de la Société béninoise d'électricité et d'eau (SBEE) ;
– d'un stockage dans un réservoir en béton surélevé d'une capacité de 40 m3 ;
– d'un réseau refoulement-distribution sur 12 bornes-fontaines alimentant les villages de Koussoucoingou et Tchapeta.

Une seconde mission en novembre de la même année avait pour objectif de présenter l'APS aux autorités locales (mairie de Boukombé et chefs traditionnels), préciser quelques points techniques (raccordement au réseau électrique de la SBEE, tracé des canalisations et géolocalisation des bornes-fontaines), confirmer les besoins en eau potable des deux villages et revérifier l'appréhension du projet par les villageois (leur investissement dans les travaux et l'évaluation de leur future capacité à payer l'eau).

Des équipements et une gestion durable
Début 2013, une convention multipartite a formalisé les modalités de partenariat entre la commune rurale de Boukombé (maître d'ouvrage commanditaire), le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de Barjac, Aquassistance et l'association AEREB pour la réalisation du projet, dont la réparititon budgétaire figure dans l'encadré ci-contre.
Suite au lancement d'un appel d'offres auprès de 4 entreprises locales, sur la base du cahier des clauses techniques particulières élaboré à partir de l'APS, une mission technique menée en février 2013 a permis la passation d'un contrat de travaux avec le Groupement d'entreprises Le Charpentier-Climatel, pour un montant forfaitaire de 95 000 000 FCFA, ainsi que la passation d'un contrat de maîtrise d'œuvre avec le bureau Bel Espoir Consultant, pour un montant de 3 800 000 FCFA.

Une seconde mission en mai 2013 a permis le lancement effectif des travaux et la mise en place avec le maître d'œuvre des outils de suivi du chantier. L'implication des villageois bénéficiaires du projet en appui au groupement adjudicataire du marché de travaux a été pleine et entière pour la réalisation des tranchées du futur réseau.
Parallèlement aux travaux, une première approche sur la gouvernance du futur système avec les autorités locales et les populations bénéficiaires a été esquissée. Dans cette optique et en vue de renforcer les capacités locales pour une gestion équitable et durable de l'eau potable et une observance des bonnes pratiques de l'hygiène, un contrat a été passé avec une ONG locale, l'Association pour le développement communautaire (ADeC). Sous la supervision d'Aquassistance et en étroite collaboration avec les services déconcentrés de l'Etat, les directions départementales de l'Hydraulique (DDH) et de la Santé (DDS) ainsi que la mairie de Boukoumbé, l'ADeC a eu pour objectifs :
– d'aider la communauté villageoise à mettre en place un comité de gestion de la future adduction d'eau potable et à déterminer le prix de l'eau ;
– de faciliter le processus de délégation de la gestion entre la commune, le comité de gestion et le personnel technique (gestionnaire, plombier, fontainières) ;
– de former les organes de l'association ainsi que le personnel technique ;
– de sensibiliser les bénéficiaires à l'hygiène et promouvoir les bonnes pratiques quant à l'usage de l'eau ;
– de suivre et évaluer la mise en œuvre des actions.

Réalisé en sept mois pour un planning initial de 6 mois, le nouveau système a été réceptionné provisoirement en décembre 2013 et inauguré par les autorités locales en présence des promoteurs du projet et de représentants du Siaep de Barjac.
L'action de l'ADeC dans le cadre du volet Accompagnement, Formation et Sensibilisation a effectivement abouti à la création d'un comité de gestion des usagers des villages de Koussoucoingou et Tchapeta (enregistré en janvier 2014 au Journal officiel de la République du Bénin), la formation à la gestion des élus du comité, la sensibilisation des populations locales à l'usage de l'eau.

Depuis maintenant plus d'un an et malgré une longue interruption courant 2014, due au défaut d'alimentation électrique du pompage consécutive à l'explosion du transformateur de la SBEE, le système d'adduction fonctionne, à la grande satisfaction des bénéficiaires, sur la base d'un prix de l'eau de 600 FCFA le m3 payé par les consommateurs via un système de carte prépayée d'une valeur de 150 FCFA pour l'achat de 10 bidons de 25 litres.
Une mission de contrôle effectuée en mars 2015 confirme un excellent état du réseau et des installations techniques (aucune fuite constatée) et une gestion rigoureuse et saine, même si le volume vendu n'est pas encore à la hauteur des estimations initiales. Affaire à suivre.

©Lettre du pS-Eau 78 de Aug 2015